Absents des génériques de films, personnages inexistants des scénarios mais essentiels à l'écran, qui suis-je ?
Pensez à votre film préféré et découvrez avec stupeur la rue sans passants, le restaurant sans clients, l’école sans élèves, la piscine sans nageurs, le théâtre sans spectateurs, la bataille sans soldats. Votre film n’aurait plus du tout la même allure. Et pour cause, il manque les figurants ! Des acteurs invisibles dans le scénario mais incontournables à l’écran, une armée de l’ombre qui donne vie aux scènes et sublime la mise en scène du réalisateur. Mais qui se cache derrière cette armada ?
Ce sont des personnes de votre entourage, votre collègue de bureau, votre grand-mère, votre banquier, votre voisine qui animent les fonds d’écrans des cinémas, des téléviseurs et smartphones. On y retrouve le retraité, l’employé du ministère des finances, le conducteur de train, la jeune femme en reconversion professionnelle, l’agent de police, l’étudiant, la prof de Zumba. On pourrait les qualifier de curieux, de passionnés, de rêveurs, d’aventuriers. Coupés au montage, flous à l'écran, se gelant des heures, parcourant des kilomètres, covoiturant, debouts avant le lever du jour, cela ne suffit pas à freiner son enthousiasme car une journée de tournage s’apparente bien souvent à une excursion dans le temps, un voyage hors de l’ordinaire.
Quand tu découvres la figuration pour la première fois
J’ai découvert cet incroyable univers en novembre 2011 sur le film de Pascal Chaumeil « Un plan parfait » avec Dany Boon et Diane Kruger. Je n’y connaissais rien au cinéma. Et pourtant, me voilà dans l’ancien palais de Justice d’Anvers transformé pour l’événement en lieu de réception de l’ambassade de Russie. Habillée en robe de soirée et mise au bras d’un parfait inconnu, je découvre le décor aménagé par une autre armée, celle des techniciens. On s’y croirait vraiment. L’assistant du réalisateur nous met en place et nous donne les indications. Je découvre l’immense caméra et les projecteurs. Et voilà qu’arrivent les acteurs. Diane et Dany sont en place, quelques mécaniques (répétitions), ensuite « Silence, moteur demandé, caméra tourne, son tourne, action » et hop, après quelques prises, c’est dans la boite. On rentre au vestiaire car il y a une autre mise en place à faire, traduisez un changement de décor, il faut déplacer la caméra et les lumières, il y en a pour une bonne heure. Une heure durant laquelle je ferai mes premières rencontres. Ce jour-là, il y avait plus de 100 figurants. Ils venaient des quatre coins de la Belgique et certains se connaissaient déjà.
Une grande famille
En Belgique, endosser le rôle de figurant, occasionnellement ou intensivement, c’est entrer dans une grande famille. Notre pays étant petit, tel un microcosme, à chaque tournage, on est certain de trouver une tête connue.
Paré d'une petite valise à roulettes pleine de vêtements - les plus chevronnés emmènent le strict minimum - on arrive tôt sur le lieu de tournage lorsqu'on est figurant. Des flèches jaune ou rose fluorescent sur lesquelles il est écrit « Figu » vous indique la voie à suivre. Arrivé au local des figurants, vous êtes accueilli par le chef de file ou son assistant. Les habitués se dirigent directement vers la table de régie pour se mettre dans le bain. Mais on a à peine le temps de se servir un café qu’il faut déjà passer au maquillage et à la coiffure. On retrouve les petites flèches fluorescentes où il est indiqué HMC pour Habillage, Maquillage, Coiffure. Et c’est une fois l’opération HMC terminée que la journée commence enfin. Place aux longues heures d'attente car même si parfois, on entre sur le plateau rapidement, très souvent, le métier de figurant consiste à patienter de longs moments, sur le plateau comme au vestiaire. Et c’est là que cela devient intéressant !
Tout au long de la journée, on a plaisir à évoquer ses dernières expériences de tournage, à échanger des souvenirs de plateaux, rire des péripéties et parler des prochains projets auxquels on espère participer car on attend de savoir si notre profil sera sélectionné. On évoque souvent les têtes d’affiches des films et puis la petite cerise sur le gâteau, à la fin de la journée, pour les plus téméraires et/ou chanceux, on décroche son selfie en souvenir mais également en récompense de cette longue journée d’efforts que l'on a passé à attendre.
Le petit plaisir du figurant : se voir à l'écran !
Dans quelques jours, cela fera un an que je n’ai plus mis un pied sur un plateau de tournage de long-métrage. Les retrouvailles, la table de régie, la cantine, l'ambiance, le grouillement des techniciens qui s’affairent à la mise en place des décors, de la lumière et des caméras me manquent. Mais cette dernière expérience, 2 jours de tournage pour le film J’ai perdu Albert de Didier van Cauwelaert qui sort ce 12 septembre dans les salles, nous aura permis à Patrick, Catherine, Joachim, Fabrice et moi-même d’apparaitre à l’écran.
Certes, pour une poignée de secondes mais une petite visibilité que tout figurant sait apprécier. Mais la grande surprise fut de retrouver notre scène au beau milieu de la bande-annonce.
N'est-ce pas là un petit conte de fée ? Il faut dire que certains figurants sont de véritables légendes. Je pense à notre Daniel national, ami de tous les figurants, qui est à la figuration ce que Johnny est au Rock & Roll.
Tout se joue lors de la première expérience en figuration. On choppe le virus ou ça casse. Ce qui est sûr, c’est que la figuration vous fait voyager dans mille et un décors et dans mille et une époques, suscite des vocations et permet des rencontres inoubliables. Aucune journée ne se ressemble, riche en surprises, des souvenirs indélébiles se gravent. Merci les figurants !
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P.S. : Je remercie encore tous les figurants qui ont donné généreusement de leur temps sur mon premier film ! Merci à eux, ils se reconnaitront. On se retrouve pour la suite des aventures !